6Les armes de chasse de Neandertal
Première analyse des pointes moustériennes d’Angé
Marie Soressi
Inrap, U 7041 « Arhéologie et iene de l’Antiquité » et Max Plank Intitute
Jean-Luc Locht
Inrap
1. Épieu en bois de 2,5 m de long découvert à Schöningen en Allemagne et datant d’environ 300 à 350 000 ans. 2. Pointe en silex fichée dans une vertèbre d’âne, découverte à Umm el Tlel en Syrie.
2
1
Article 46
D O S S I E R
7
A R C H É O P A G E S 2 8 J A N V I E R 2 0 1 0
Le Néandertalien étaient de grand onommateur de viande. Le iotope du arbone et de l’oxygène onervé dan leur oement témoignent de leur statut de grand prédateur : leur ignal iotopique est en effet omparable à elui de la hyène, autre grand arnivore du Paléolithique moyen (Rihard
et
al.,
). L’aptitude de Néandertalien à haer le grand herbivore, dont l’auroh et le bion,pui à le transorter ur le lieux adapté à la bouherie, est démontrée par le aumulation d’oement de e proie déouverte ur bon nombre de ite moustérien (
e.g.
Farizy
et
al.,
). Si nou onnaion le proie haée par le Néandertalien et i nou arrivon même parfoi à reonstituer l’organiation aionnière de acivité de ubistane (Rendu, ), il est en revanhe plu diffi ile de déterminer quelle étaient le arme utiliée pour e hae. Cet artile est l’oaion de faire un bilan de onnaiane et de préenter l’une de pointe moustérienne du giement d’Angé, dan le Loir-et-Cher, dont l’analye apporte de nouveaux élément ur la nature de arme de hae de Neandertal.
De rares épieux en bois
Le équipement de hae néandertalien ont pratiquement inexistant dan le registre arhéologique. Seul quelque rare épieux en boi ont été déouvert en Europe entrale, où de dépôt rihe en matière organique foile ont permi leur onervation. Ce épieux en boi
[ill. 1]
ont ergonomique et ont pu être utilié omme arme d’hast ou de jet : leur équilibrage permet en effet de le laner à pluieur dizaine de mètre tout en onervant une ertaine inertie (Tieme, ; ).La déouverte de e arme a onduit à pener que l’équipement de haeur néandertalien devait être en matériaux périable, ontrairement à elui de premier Homme anatomiquement moderne. Migrant il y a environ an en Europe, où il remplaent le Néandertalien, il utilient de projecile ompoite (pointe en ilex ou en matière dure animale montée ur un fût en boi). Il ’agit d’arme légère pouvant être projetée à longue distane et permettant d’augmenter l'éart entre le haeur et la proie. Le qualité balistique de e arme, ouplée à une extrême réistane pour le armature en matière animale et à une haute effi aité pour le pointe en ilex qui provoquent d’abondante hémorragie, ont autant d’atout diminuant le rique afférent à l’acivité de hae (Kneht, ). L’effi aité de et équipement a d’ailleur pu ontribuer au uè de Homme moderne et à la disarition de Néandertalien (Mellar, ). outefoi, la déouverte d’une pointe de ilex fihée dan une vertèbre d’âne au Moyen-Orient (Boëda
et al.,
)
[ill. 2]
a onduit à reonidérer la poibilité que ertaine pointe en ilex aient été utiliée omme arme dè le Paléolithique moyen. Le giement du Prohe et du Moyen-Orient ayant pu être oupé aui bien par de Neandertalien que par de Homme anatomiquement moderne, il n’est pa poible de déterminer quel est l’auteur de telle pratique ; en revanhe, l’effi aité de pointe en ilex de type Paléolithique moyen omme pointe de projecile pour bleer de grand mammifère est démontrée.
Les cassures d’impact, diagnostics de l’usage en pointe de projectile
L’outillage en pierre de Néandertalien européen omporte un ertain nombre d’objet pointu. Juqu’à préent, pratiquement auun de e objet n’a été examiné pour reherher d’éventuelle trae de aure d’impac liée à l’utiliation en pointe de projecile. Le méthode permettant de diagnostiquer le aure d’impac e ont développée à partir de année aux État-Uni et ont été appliquée d’abord aux industrie paléoindienne (Frion, ), pui, plu réemment, aux industrie méolithique et épipaléolithique (Fiher
et al.,
) et à elle du Paléolithique upérieur, ave notamment le travaux de Jean-Mihel Geneste, Hugue Plion et Magen O’Farrell (Geneste, Plion, ; O’Farrell, ; ; Soriano, ). S’il est don démontré aujourd’hui que bon nombre d’armature du Paléolithique upérieur ont bien été utiliée omme de pointe de trait, l’identifiation d’armature en pierre au Paléolithique moyen ou afriain est enore pionnière. L’un d’entre nou ayant déjà travaillé à la reherhe de aure d’impac ur le Middle Stone Age ud-afriain (Villa, Sorei
et al.,
), l’examen de l’outillage retouhé déouvert ur le ite du Petit Jardin à Angé nou a offert la poibilité de reherher d’éventuelle aure d’impac.
Méthodologie
Nou nou omme onentré ur la reherhe de marotrae dérite par diver auteur omme onéquente de l’utiliation d’objet en ilex en pointe de trait. La reherhe de trae d’uure miroopique, strie et poli, permettant de diagnostiquer un impac (Fiher
et al.,
; Dokall, ; Hardy
et al.,
) fera l’objet d’une autre étude. L’enemble de outil retouhé d’Angé aini qu’une partie de produit de débitage, ’est-à-dire de objet pointu aui bien que de objet non pointu, ont aini été analyé, an préjuger d’une orrélation entre le aracère pointu et la préene de aure d’impac. La distincion entre le marotrae liée à un impac et elle liée à une peruion lanée ur de matériaux dur et emi-dur omme l’o, à l’oaion d’un travail de déarniation violent par exemple, ’appuie ur deux onstat. Le pointe en ilex déouverte dan de giement paléoindien interprété omme de lieux d’abattage de grand
Article 46
8
3. Macrofractures développées dans l’axe d’allongement de l’outil, unanimement considérées comme caractéristiques de cassures liées à l’impact (d’après Frison, 1974, p. 96).4. Pointe moustérienne large d’Angé portant plusieurs macrofractures faciales de terminaison « en marche », diagnostics d’un impact.
A. «spin-off bifaciaux partantd΄une fracture transversaleB. macro-fractures latérales (type «burin »)C. macro-fractures faciale avec terminaison en « marche»
0 5cm
L2.912 silex local échelle 1/1
ABCDEFGHCBHGFDE A
L2.912 silex local échelle
HGFCB
34
0 mm0 10
m m 0 1 0
0 4mm0 4mm0 4mm
mm0 10mm0 10
mm0 6
Article 46
D O S S I E R
9
A R C H É O P A G E S 2 8 J A N V I E R 2 0 1 0
herbivore, du fait de leur poition géographique et de la ompoition de aemblage oeux, préentent de aure qui ne ont retrouvée ur auun autre objet de même aemblage (
e.g.
Bradley, Frion, ; Frion, ). Ce aure ont pour le moment été reproduite uniquement lorque e objet étaient utilié omme pointe de projecile (
e.g.
Ahler, ; Odell, Cowan, ; Fiher
et al.,
; Plion, Beyrie, ). Une ynthèe de la littérature disonible et l’adoption de la typologie préoniée par John E. Dokwall () montre que troi type de aure développée dan l’axe d’allongement de l’objet peuvent être onidéré omme diagnosti d’un impac : le
sin-off
bifaiaux, le marofracure latérale et le marofracure faiale
[ill. 3]
. Le
sin-off
bifaiaux (Fiher
et al.,
) ont de petit equillement e retrouvant ur le deux fae de l’objet et partant d’une aure tranverale : il ont rarement été mi en évidene en ontexte arhéologique. Le marofracure latérale, enlèvement détahé ur le bord de l’outil qui reemblent à de oup de burin, ont ouvent été reonnue ur le matériel arhéologique, quel que oit le ontexte de e matériel. Elle ont été dérite en poition distale (
e.g.
Bradley, Frion, ; Shea, ; Geneste, Plion, ) et en poition proximale, elle ont alor la onéquene du ontreoup oaionné par le manhe ou la hampe uite à l’impac ur la pointe en ilex (
e.g.
Frion, , p. - ; Hukell, ). Enfin, le marofracure faiale de « terminaion en marhe » ont onidérée omme de diagnosti d’impac par l’enemble de auteur, quelle que oient leur dimenion (
e.g.
Ahler, ; Frion, ; Bergman, Newomer, ; Odell, Cowan, ; Fiher
et al.,
; O’Farrell, )
Les pointes moustériennes d’Angé
L’enemble lithique prinipal ( artefac) est ontenu dan un paléool humifère dégradé.
¹
Sa deription et a datation indiquent que l’industrie a été façonnée il y a environ an (Loht
et al.,
). Le secre typologique de l’enemble de outil retouhé (n = ) est srcinal. Il est aracérié par une forte proportion de pointe moustérienne ( ), dont de pointe moustérienne allongée (n = ). Seule le pointe moustérienne portent de aure qui peuvent être aracéristique d’un impac (auune aure de e type n’a été obervée ur l’éhantillon de produit brut de débitage analyé). Parmi le pointe, l’une d’entre elle porte pluieur marofracure faiale de terminaion « en marhe » dont l’orientation, l’ampleur et la terminaion diagnostiquent un uage en pointe de projecile
[ill. 4]
. oute e aure uivent le même axe, elui de l’allongement de la pointe. En outre, l’une de e aure, ur le bord droit de la fae ventrale, e développe obliquement au bord de la pointe. L’importane de fore impliquée dan une utiliation en projecile est ertainement à l’srcine de e type d’enlèvement oblique par rapport au bord ar détaher un enlèvement obliquement au plan de frappe est impoible par peruion direce. Ce aure ont imilaire à elle obervée par exemple ur le pointe expérimentale utiliée omme arme de hast par Hugue Plion et Sylvie Beyrie ()
[ill. 5]
et ’expliquent par le ontac violent entre le bord latéraux de la pointe ave un matériel dur (probablement de l’o) lor de l’impac.
Armes d’estoc ou pointes de lance
De pointe ave de morphologie imilaire à elle d’Angé utiliée omme arme d’esto ou de hast peuvent être trè vulnérante (Plion, Beyrie, ; Shea
et al.,
). Le dimenion importante de pointe d’Angé embleraient montrer qu’elle ont plutôt foncionné en pointe de hast et non pa de lane. Généralement, le arme d’esto ou de hast, plantée à la main dan le orp de la proie, ont lourde et réistante, tandi que le lane, projetée à longue distane, ont plu légère. outefoi, rappelon que le oldat romain projetaient de lane de deux à quatre kilo, don lourde, et ela juqu’à m de distane, oit deux foi la distane effecive pour auer une bleure mortelle (Villa, Lenoir, ). À e stade, nou ne disoon pa d’élément pour déterminer ’il ’agiait de pointe d’arme d’esto ou d’arme lanée. La fabriation d’une arme ompoite pierre-boi requiert non eulement la fabriation de la pointe et de la lane ou du manhe, mai aui le façonnage de l’extrémité distale de la partie en boi pour reevoir la pointe en pierre, et enfin la fixation de e élément ave une matière ontraignante ou adhéive, omme le bitume (Boëda
et al.,
; ) ou le brai de bouleau (Grünberg, ; Mazza
et al.,
). dont la préparation requiert aui une préparation séiale. La fabriation de telle arme ompoite a pu être menée ur le ite d’Angé. Ce n’était probablement pa un lieu de hae mai un ite où étaient pratiquée de acivité domestique, omme en témoignent le aumulation de débri de taille du ilex aini que le nombreux raloir qui ompoent la majorité de l’outillage retouhé. Le pointe ont d’ailleur pour bonne partie été fabriquée à partir de ilex allohtone, réolté à plu d’une vingtaine de kilomètre. L’abene de témoin de prinipale étape de la haîne opératoire de producion de upport de ertaine de pointe nou indique qu’elle ont été produite à l’extérieur du giement, et ont potentiellement été déplaée ur de grande distane avant d’être abandonnée ur le giement d’Angé. Il est d’ailleur enviageable que le démanhement ait eu lieu ur le ite ; le hampe en boi étant alor réutiliée tandi que le pointe aée étaient abandonnéeL’uage de pointe en ilex omme pointe de projecile au Paléolithique moyen n’a été juqu’ii doumenté en Europe que dan de rare a (Callow,
3
.
Le paléosol surmonte un horizon Bt de rang interglaciaire qui doit être rapproché du pédo-complexe Eémien/Weischelien ancien. Cette chronologie est confirmée par les mesures obtenues par thermoluminescence sur sept silex chauffés.
Article 46
1 0
5. Pointes expérimentales reproduites par H. Plisson et S. Beyries (1991) d’après les pointes Levallois brutes du Proche-Orient et utilisées en arme de hast. Après l’utilisation, elles portent des cassures d’impact dont la morphologie et les dimensions sont similaires à celles observées sur la pointe moustérienne large d’Angé (cf. ill. 4). L’échelle représente environ 5 cm 6. Pointe Levallois de Bettencourt-Saint-Ouen dans la Somme (d’après Locht, 2002) dont les ébréchures « peuvent témoigner d’une pénétration violente dans une carcasse animale » (Caspar, Locht, 2002, p. 93).
56
Article 46